Olivier Van der Vynckt


Olivier Van der Vynckt est un architecte-paysagiste de golfs et artiste-peintre français installé à Marrakech. Tous ses jardins commencent à naître sur un carnet comme des aquarelles accompagnées de commentaires et des notes.
Ses créations paysagères à travers le monde offrent l’alliance de la technicité et de la sensibilité. Grâce à ses nombreuses expériences à travers le monde en matière de jardins, de tourisme hôtelier et de golfs, fruit d’une longue collaboration avec ses partenaires, Olivier Van der Vynckt apporte une touche très personnelle mais surtout unique à chacun des sites rencontrés, leur conférant ainsi une image forte et indélébile.


Jardins du Maroc : Que pensez-vous de ce que nous pourrions appeler «l’Art des jardins», et surtout des principes qui, pour vous, établissent les relations entre la nature et les jardins ?

Olivier Van der Vynckt : La nature !...et les jardins ! Démontrons et affirmons le droit qu’a l’art des jardins à une existence propre !...
En effet, à de nombreux jardins illustres ou modestes, reste attaché le souvenir d’un personnage ?...et ne l’oublions pas, l’Eden étant à jamais perdu, le paradis terrestre était un jardin…Mais aussi les poètes, sans cesse, et en tous pays, ont chanté les agréments d’une nature qui, riche par elle-même, gagne à être arrangée avec art et mise en valeur. Si le Comte de l’Isle évoqua les jardins d’Ispahan et de Mossoul, si les Iraniens Saadi ou Omar Khayam célèbrent la rose, symbole de l’amante comme le rossignol symbolisait l’amant, il appartenait à l’un de nos plus grands lyriques, fils de la Grèce et de l’Orient, de s’enivrer des odeurs potagères, de comparer son cœur à un fruit, voire à un légume, et de révéler l’enchantement des vergers. A la même époque, le docteur Carvalho à Villandry ne réalisait-il pas un ensemble potager dessiné, soigné, plaçant avec ordre les pois, les artichauts et les fraises en des rigides cadres de buis !?
On peut donc, à défaut de fleurs, arranger diverses sortes de plantes potagères en joignant l’utile à l’agréable et soumettre tous ces végétaux en «carré», en «triangle» ou en «cercle» dans de belles et longues perspectives, ou d’harmonieuses symétries. Et en dépit de l’ordonnance, il poussera néanmoins dans les jardins et les potagers, ces petites fleurs dont Jean- Jacques Rousseau demandait vainement le nom. Car la richesse de la nature est infinie et la vie elle-même est une incessante création qui nous apparaît sous de multiples formes chétives ou splendides.
Je considère pour ma part depuis toujours, que l’art des jardins est une «simple dépendance des efforts extérieurs» et surtout «l’esprit d’un sol, allant au devant de l’esprit d’un autre sol», auquel je n’ai ajouté qu’un admirable élément, «les jardins….ma passion». Aussi, je pense sincèrement que l’art des jardins n’a pas d’origine bien déterminée, on le trouve intimement lié aux progrès de toutes les civilisations connues ; il s’y transforme, il s’y modifie au fur et à mesure qu’elles se transforment et se modifient elles-mêmes…. «Peut-être, et j’en suis sûr, il existait déjà au paradis sous l’œil admiratif d’Adam et Eve…..»

Jardins du Maroc : Que penser dès lors que «l’Art des jardins» connaît actuellement au Maroc, un «renouveau» ?

Olivier Van der Vynckt : L’état actuel des mœurs et du goût en sont encore la cause. Vos contemporains, ici comme ailleurs dans le monde, ont besoin d’apaisement, de calme, et de sérénité. Ils s’aperçoivent que l’art des jardins est susceptible de déterminer de «pures émotions», génératrices de joie de vivre et avec raison. Tous les arts procèdent du goût et de l’intelligence, il est nécessaire d’en respecter les règles, les lois et les principes. Ce n’est pas le jardin et ses règles strictes qui s’imposent au «terrain» et ce n’est pas non plus le terrain qui modifie les règles du jeu. C’est pour moi « un mariage secret». Aussi, et malgré toutes les nombreuses fluctuations par lesquelles l’Art du jardin est passé, surtout depuis ces dernières années, il doit rester pour ceux qui veulent l’exercer consciencieusement, l’art de se servir avec discernement des éléments donnés par la nature, ou l’art d’y suppléer.

Jardins du Maroc : Pour vous et à notre époque le jardin représente-t-il un «Art de vivre» ?

Olivier Van der Vynckt : Certainement. Le paysage sous notre dépendance doit porter notre marque et exprimer notre tendance. Si l’art est, suivant une définition bien connue, «la nature vue à travers un tempérament» on ne saurait mieux dire en ce qui concerne l’art des jardins. Donc, que chacun, selon son tempérament, modèle son jardin. Aussi, l’attention que je porte à «l’Art des jardins» depuis ma plus tendre enfance, est-elle peut-être due tout simplement à sa remarquable vigueur et à son pouvoir d’adaptation assez exceptionnel, hors des lieux d’élection où il s’était naguère spontanément refugié. Modestement j’offre l’alliance de la technicité et de la sensibilité dans tous les paysages architecturaux que je rencontre. Grâce à mes nombreuses expériences à travers le monde des jardins, de tourisme hôteliers et de golfs, fruit d’une longue collaboration avec mes partenaires, j’apporte une touche très personnelle mais surtout unique à chacun des sites rencontrés, leur conférant ainsi une image forte et indélébile. C’est aussi l’art de faire concourir des objets artificiellement créés à l’embellissement de scènes naturelles. Mon principe général de tout aménagement reste toujours celui de réalisations effectuées en parfait accord avec la nature et son environnement. C’est d’ailleurs à mon sens l’unique façon de rester dans le contexte économique et écologique qui fait notre différence avec la concurrence : de smouvements et non des formes, des masses expressives et non des harmonies de rapports ou des «abstractions arrêtées». C’est la recherche d’un certain équilibre entre les lois universelles et les lois de l’esprit. C’est aussi l’art d’adapter les embellissements à une situation déterminée…
Pour moi, l’architecture et la végétation se feront complices pour jeter le doute : s’agira-t-il d’un jardin superbement construit ou d’une pièce d’eau somptueusement fleurie ? Le végétal et le minéral s’affronteront-ils clandestinement en ordre apparent ou tout se mêle, s’emmêle, se conjugue dans un « délire fleuri » sans qu’il y ait jamais la moindre dissonance dans l’équilibre des volumes…

Jardins du Maroc : Que dire de votre style ?...Et comment s’inscrit votre démarche lors de l’aménagement d’un jardin ?

Olivier Van der Vynckt : Mon style se caractérise par la recherche d’un raffinement dans le jeu des idées, ce qui me donne l’originalité du traçé et des formes, tendance qui fait primer l’idée sur la réalité matérielle de mon œuvre et la notion de créativité et ma capacité d’imaginer des solutions originales les meilleures et les mieux adaptées. Aussi, je pense que le style n’est pas l’essentiel pour un jardin, même s’il est un élément de cohérence. Ce qui compte pour moi, c’est l’esprit propre à chaque lieu, puisque chaque projet est un cas particulier. La configuration du terrain et la mise en scène des espaces peuvent réclamer un cadre végétal plus ou moins ordonné, ou à l’inverse, laisser place à des espaces dépouillés et plus flous. Un jardin doit « respirer » et il doit y régner une atmosphère apaisante et la vue d’une composition doit être suffisamment «belle» pour ne pas être oubliée.
Pour moi aussi, un jardin naît, et doit naître, d’un dialogue entre chacun des éléments qui le composeent, et le raffinement tient essentiellement à la manière dont on a su provoquer cette «conversation».
Les «frontières végétales» dans un jardin doivent être hiérarchisées, c’est-à-dire qu’il faut attribuer à chaque espace une qualité propre pour qu’il puisse jouer un rôle précis par apport à ce qui l’entoure. Pour cela il faut créer des «limites visuelles» ou physiques, matérialisées par des frontières franchissables ou non, qui permettront d’isoler chacune des parties du jardin. Il est nécessaire pour créer le raffinement des détails dans un jardin, d’avoir des frontières végétales qui permettent de le structurer et de lui trouver un certain «souffle» ou «rythme», pour qu’il ne s’étouffe pas sous une trop grande profusion de «petits détails» et qu’il ne s’ennuie pas non plus dans une trop grande «simplicité».
Ce qui est important à mes yeux dans un jardin, c’est le jeu des «agitations» et des «zones de repos», des densités et des «zones de vides», et le rythme que tout cela produit. Le jardin est un art visuel, mais il est indissociable de la promenade qu’effectue le promeneur, et au fur et à mesure qu’il progresse dans le jardin, il sera attiré, puis éloigné, ou encore entraîné vers telle ou telle partie du site et son déplacement provoquera sa «surprise» autant que sa surprise bouleversera son déplacement. Le promeneur à ce moment-là est acteur et spectateur. En d’autres termes, le paysage d’un jardin possède son propre caractère, une sorte de personnalité avec laquelle il faudra compter pour s’en aider, ou s’y soustraire.
Surtout ne pas oublier que l’organisation intérieure d’un jardin, laquelle reflétera la personnalité de ceux pour lesquels il aura été créé, cette personnalité s’exprimera dans l’organisation générale du plan et la répartition sur le terrain des différents éléments qui composent ce plan, et enfin, cette «pointe de spiritualité» ; cet accent que savent donner les gens sensibles au moindre arrangements «de détails».
L’aménagement d’un jardin et des espaces verts qui l’entourent réclame une présence et surtout beaucoup de «chaleur humaine».
Pour ce qui est de ma démarche lors de l’aménagement d’un jardin, elle s’inscrit en deux étapes :
- Premièrement : comprendre, et faire comprendre le paysage. Deuxièmement : faire émerger un projet paysager.
Aussi, plutôt qu’un plan figé, ma proposition d’aménagement un paysage est une «démarche», mais également d’une volonté commune permettant la valorisation et la création d’un espace contemporain de qualité.

Pour moi, l’objectif est de passer à un paysage «choisi» qui exprime la volonté collective de réaliser une synthèse harmonieuse autour de l’architecture végétale qui s’organisera comme la composition d’un «tableau» dont les limites serviront de cadre. Nous jouerons ici des ombres portées et de la lumière en partant du caractère local, et des paysages environnants.
Les arbres, libres de formes, sont isolés ou groupés en massifs, en vue de «morceler» l’horizon, de limiter et de mettre en valeur certaines perspectives et les arbustes et les plantes fleuries ainsi que les pelouses, sont disposés avec le souci de réaliser un paysage «réel».
Mes «compositions» souples n’aboutiront pas à une image réduite de la nature, mais plutôt à un prolongement de l’existant, équilibré, ordonné et harmonieux.

Jardins du Maroc : L’aménagement d’un «jardin» reste-t-il réservé aux nantis ?

Olivier Van der Vynckt : Non, ma conviction est qu’un jardin ne doit être un exutoire financier, et que la bonne utilisation d’un terrain, ainsi que la bonne gestion d’un projet, permettent de créer des jardins de grande qualité accessibles à tous !...
Je vous livre ici en des termes parfois passionnés mes réflexions en ce qui concerne ma «philosophie», et la conduite des actions que j’entreprends actuellement au Maroc, et que j’entends poursuivre en matière de conception de parcs et de jardins.

Quelques principes sur le choix d’aménagement du paysage selon Olivier Van Der Vynckt :

-Importance attribuée «aux proportions»
-Juste répartition des espaces
-Décor à hiérarchis
-Spontanéité et exubérance des massifs
-Protection et mise en valeur l’existant
-Liaison visuelle à améliorer avec les parties limitrophes du site
-Dissimulation des zones ne représentant que peu d’intérêt
-Tracé simple
-Commodités pour l’entretien futur

Ne pas oublier : bien entendu les investigations suivantes :

-Définir précisément les objectifs de l’aménagement
-Estimer le plus précisément la réalité du marché concerné
-Gérer le dossier au plus prés dans le respect des réglementations de l’urbanisme
-Estimer le plus précisément possible les coûts techniques relatifs à l’aménagement projeté.

Olivier Van Der Vynckt
E-mail : ovdv2@wanadoo.fr