Depuis toujours, c’est dans la nature que l’homme trouve les remèdes pour soigner les maladies. Outre leur utilisation comme médicaments, les plantes spontanées et celles plantées dans nos parcs et jardins jouent un rôle indéniable sur notre santé. Leur présence dans un milieu hospitalier crée des conditions favorables pouvant accélérer la guérison. Leur ombre et parfums ainsi que la gamme des verts de leur feuillage et les palettes des couleurs de leurs fleurs ont une influence indirecte sur l’état psychique des patients et contribuent à l’amélioration et l’optimisation des thérapies poursuivies.
Dans certains pays quand des malades s’adonnent au jardinage, les médecins constatent une nette amélioration de l’état de santé de leurs patients et ce grâce à cette activité.
Aujourd’hui plusieurs disciplines scientifiques et médicales collaborent avec des botanistes et des paysagistes pour que les jardins des hôpitaux contribuent d’avantage à l’amélioration des soins et créent un cadre propice à l’épanouissement des patients et du personnel médical.
Au cours de cette table ronde, des spécialistes du jardin, des plantes et du bien-être du Maroc et de France ont été échangéleurs expériences sur le thème « jardin et santé ».
Dr. Khadija Belakziz
Association Maghrebio - santé-environnement.
A son retour à Marrakech en 1998, Khadija Belakziz fut convaincue que l’associatif est l’une des meilleures façons de participer à l’édification du Maroc moderne. Khadija Belakziz s’est à nouveau lancée dans l’action avec son association «MaghreBio». Outre des actions de sensibilisation et de formation, l’association a initié un projet pilote «JASMINE». Il s’agit d’un projet pédagogique sous forme d’un jardin au sein de l’école Ibn Abi Sofra à Marrakech. L’objectif est de fournir aux élèves des légumes et des produits selon un procédé bio-agricole.
Dr. Khadija Belakziz : Le jardin est cet espace harmonieux que la nature nous offre pour vivre, nous nourrir et nous soigner. Nous sommes tous sensibles aux beautés et à la générosité de la nature qui nous entoure. Pour nous, musulmans, le paradis est un jardin ! Voici une parole de notre prophète SWS : « si l’Heure (du jugement dernier) sonne et que l’un d’entre vous a une bouture avec lui, s’il peut la planter avant de se lever, qu’il le fasse». Belle leçon de préservation de l’environnement.
La santé de l’homme dépend de la façon avec laquelle il bouge et se maintient, de la façon avec laquelle il respire et se nourrit, de la façon avec laquelle il ressent et pense, de la façon avec laquelle il laisse circuler l’énergie. Qu’apporte le jardin à cet égard ? Il permet, tout d’abord de bouger par le jardinage, le sport, la promenade et les jeux... Cela permet de respirer de l’air frais, de l’oxygène, de l’air pur. Dans un jardin, il y a 250 bactéries par m2 au lieu de 40 000 à 1 million dans un grand magasin et 5 000 à 75 000 dans une rue centrale ! Grâce au jardin, on peut conserver la masse musculaire, lutter contre l’obésité, réduire les risques du diabète ou des accidents cardiovasculaires et vaincre l’ostéoporose.
Le jardin permet ensuite de respirer et de se nourrir. Le ratio d’espace vert par habitant est de 10 m2 par habitant. A Marrakech, on aurait 11 m2 (350 ha + 10 000 ha de la palmeraie + 500 ha de l’oliveraie de l’Agdal et 80 ha pour la Ménara). A Casablanca, on ne dispose que de 1 m2 par habitant. Vivre à moins d’un km d’un espace vert est bénéfique pour les maladies respiratoires : asthme, bronchites, allergies, selon une étude épidémiologique de 2009.
La santé peut aussi être présente au jardin dans ce qu’on peut obtenir en cueillant légumes et fruits. Les légumes, les salades et les fruits sont, en effet, gorgés de vitamines, de sels minéraux et d’oligo-éléments. En cas de pathologies, tout un ensemble de plantes médicinales et aromatiques est disponible. Mais le jardin permet aussi de ressentir et de penser. A ce titre, il peut agir sur la santé mentale de manière sensible selon une étude épidémiologique de 2009 qui montre que les troubles anxieux sont diminués d’un tiers et la dépression d’un cinquième.
L’association «jardins et santé» octroie une aide financière pour la création de jardins «destinés à améliorer la vie des patients atteints d’affections cérébrales et de leur famille» et donne des bourses pour la recherche médicale autour du cerveau et de ses affections. Car le jardin, lieu social, réconcilie culture et nature, action et contemplation, aidant en particulier les patients atteints d’affections cérébrales à être mieux dans leur corps, dans leur tête et dans la vie.
Certains croient que, selon leurs essences, les arbres suggèrent un état d’âme : un bouquet d’arbres tourmentés aux branches pendantes mènerait aux pensées mélancoliques, un groupe d’arbres robustes inviterait à la réflexion, des arbres fruitiers et à feuillage clair seraient chargés d’allégresse et un jardin sans verdure, composé seulement de pierres et de sable, comme à Kyoto, induirait la méditation. On peut donner l’exemple du temple Ryoan-Ji à Kyoto au Japon, connu surtout pour son célèbre jardin sec de gravillons ratissés par un moine bouddhiste de la même façon depuis 500 ans, tous les matins à l’aube... S’y manifeste la pensée zen à l’état pur à la fois humide et planté de mousse et possédant aussi un jardin sec de cailloux où l’on trouve quelques marches pour s’asseoir et méditer. On peut y sentir la circulation d’énergie, se relier à la nature et à l’univers, réduire le stress, développer le calme et la sérénité, méditer et vivre au rythme des saisons, éveiller les sens par les images, les couleurs, les saveurs, les odeurs et les mélodies qu’offre ce jardin.
Pour résumer, le jardin crée en nous une harmonie et nous maintient en santé ou nous aide à la rétablir ou à l’améliorer. Encore faut-il que nous veillons à sa santé! En effet, si l’on constate ce que nous faisons subir à ses éléments (air, eau, sol, lumière et température), nous pouvons nous demander ce que pourrait être un bon usage du jardin. Quelle est la solution ?
Nous pensons que l’adoption d’une agriculture selon le mode biologique pourra protéger la santé contre les effets de l’environnement. Les animaux d’élevage bio peuvent se comporter naturellement dans un cadre protégé où ils jouissent de l’espace et ont une nourriture saine. Pour cela, des auditeurs font le suivi et le contrôle de l’agriculture bio. L’agriculture bio nous donne une nutrition bio qui a une conséquence directe sur notre santé : «que ton aliment soit ton médicament !» avait déjà conseillé Hippocrate.
Pourquoi consommer des produits bio ? On doit le faire pour protéger sa santé en contrôlant leur qualité, leur composition et leur goût, pour se prémunir contre les maladies. On diminue ainsi les résidus de pesticides dans notre corps (dans le sang ou dans le corps du fœtus). Cela se fait à travers notre alimentation, les usages domestiques, urbains, etc. Le bilan de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes reconnaît la présence de résidus dans tous les aliments (fruits, légumes, céréales, poisson, eau, jus...). Une pomme reçoit 27 traitements de pesticides en moyenne. On nous conseille donc de l’éplucher, mais nous perdons les nutriments qui se concentrent dans la peau ! Les tomates d’Espagne contiennent des résidus dans 81 % des cas, et 7 % dépassent les limites maximales (LMR) autorisées. 70 % des fruits contiennent des résidus (contre 65 % en 2006) et 8,5 % dépassent les limites.
Manger bio permet de manger moins, mais nettement mieux en terme d’apports en vitamines, sels minéraux, oligo-éléments, fibres, sucres...et, en prime, on a un meilleur apport gustatif. Cela permet aussi de manger et de valoriser les produits de saison et du terroir bien plus bénéfiques pour la santé et de moindre coût. Car les produits fabriqués hors saison ont perdu leurs nutriments et ont coûté cher en frais. On peut ainsi faire des économies en réduisant ce qui est cher et mauvais pour la santé. On évite, en particulier, la viande issue d’animaux mal nourris et stressés. Le fait de réduire l’élevage du bétail a des conséquences pour l’écologie. On observe la diminution de méthane rejeté dans l’air (600 litres par jour et par vache), la réduction de la consommation d’eau utilisée pour abreuver le bétail, la réduction du rejet d’azote dans les rivières, enfin la réduction de la culture des plantes et céréales destinées à l’alimentation de bétail.
Pour savoir quels sont les bons soins destinés à un jardin, on peut consulter les conseils donnés par Perelandra, un centre de recherche sur la nature en Virginie qui date de 1975, lorsqu’il fut créé par Machaelle Small Wright. Ce jardin est un laboratoire vivant. On peut y découvrir et appliquer les principes et les dynamiques de co-création entre l’homme et les intelligences de la nature, ceci désignant tous les «habitants» du jardin, animaux, minéraux et végétaux. Selon le créateur de ce jardin, tous sont amis et œuvrent ensemble à une harmonie vitalisante qui maintient tout le jardin en bonne santé. En 1984, on y a créé des élixirs de rose et plus tard d’autres élixirs ont vu le jour. Ces élixirs sont censés équilibrer et soutenir la personne dans sa globalité et faire agir les mécanismes qui se mettent en place durant des transformations ou une évolution dans notre vie.
Ainsi l’élixir «peace» (jaune ourlé de rose), ouvre au courage, à l’élan de l’âme dans la dynamique universelle, l’éclipse (doré) aide l’acceptation, développe l’intuition, élargit notre compréhension de la transformation et de la croissance intérieure. Le cauliflower (chou-fleur) serait l’élixir de bien-naître. Il suffirait de quelques gouttes données à la mère au moment de la naissance pour éveiller dans l’enfant le climat intérieur pour faire face à l’aventure qui l’attend. Le « corn « (maïs), élixir tiré de la fleur de maïs, stabilise la fusion de l’âme et du corps pendant des périodes d’expansion spirituelle ou universelle, la «tomate» (fleur de tomate) ferait voler «en éclat» ce qui cause l’infection et cela prévient donc également l’infection.
Par ailleurs, on aurait aussi les élixirs floraux du Dr Edward Bach. Ce sont 38 élixirs à base de fleurs d’arbres et de fleurs sauvages en dehors de «rock water» (l’eau de roche) et chacun d’entre eux correspond à une émotion et à un état d’esprit particulier. En adoptant une attitude positive, on stimulerait les capacités auto-curatives que chacun possède en soi. «Pour être en bonne santé, il faut être en harmonie avec son âme» disait Bach. Citons quelques exemples, celui de la «clématis» (clématite) qui incite à la rêverie, au manque d’intérêt pour le présent, le «crab apple» (pomme sauvage) qui traite la culpabilité ou le sentiment d’impureté, la verveine destinée à l’enthousiasme excessif.
L’homéopathie est une médecine découverte par Hahnemann au XVIIIe siècle. Elle utilise 3500 substances végétales, animales, minérales ou chimiques. Elle considère l’individu dans sa particularité et soigne par ce qui est semblable à la maladie avec des doses infinitésimales.
En conclusion, on peut rappeler cette phrase de Saint-Exupéry : «La terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfants». Soyons donc des éco-consommateurs, des «consom-acteurs» et cela pour la santé de l’homme et de la terre. Qu’on se souvienne de la parole du prophète, SWS, : «chaque fois qu’un musulman plante un arbre ou sème une graine, il aura à son actif comme aumône tout ce qui aura été mangé du produit de cette plante par un oiseau, un homme ou un quadrupède».
Pascale Garbe
Est architecte de jardins depuis 1998, chef de projet de la politique des Jardins au Conseil Général de la Moselle. Il possède une grande expérience internationale en Australie, en Grande-Bretagne ou encore en Asie du sud-est au côté des plus grands spécialistes de jardins comme Graham Stuart Thomas, Made Wijaya, James Van Sweden ou encore Sir Roy Strong. Tous les deux ans, il organise pour le compte du département de la Moselle un colloque international sur le thème de «Jardins & Tourisme» qui a réuni les plus grands experts mondiaux du sujet. Pascal Garbe collabore régulièrement à la presse spécialisée dans le domaine des jardins. Il est l’auteur d’une dizaine de livres sur les plantes et les jardins et notamment d’un ouvrage paru aux éditions Ulmer sur l’eau dans les jardins.
Pascale Garbe : Je suis étonné du dynamisme qui existe à Marrakech en matière de jardins. Nous sommes ici au cœur d’un des plus beaux jardins de Marrakech. La plupart des plantes qu’on y trouve, oliviers ou palmiers, ont été utilisées pour la santé. Je suis sûr que le travail fait ici à Marrakech portera ses fruits dans les années à venir. Ce festival n’en est qu’à la quatrième édition. On peut l’applaudir car son travail est fantastique.
Lorsqu’on m’a demandé d’intervenir à cette table ronde, j’ai constaté que l’on pouvait aborder le sujet des rapports entre jardin et santé sur plusieurs plans, qu’il s’agisse de la santé au quotidien ou de la thérapie par les plantes. J’ai essayé d’introduire le débat d’un point de vie historique. J’ai l’impression qu’on trouve à peu près partout un lien entre jardin et santé. Dans toutes les civilisations, les jardins ont été faits pour la santé et le bien-être de l’être humain. Les jardins de Babylone en sont un exemple. On y cultivait, en effet, des plantes utilisées pour le bien-être de l’homme. Les jardins chinois, outre la représentation miniature du paysage, étaient un jardin où l’on trouvait des plantes utilisées au quotidien pour le bien de l’homme.
En France, le premier acte écrit qui mentionne un jardin est un écrit du temps de Charlemagne. Il s’agit d’un inventaire de toutes les plantes utiles pour soigner l’homme. Ensuite, on sait que ce jardin médiéval fut organisé en forme de carrés. Mais il ne s’agit là que d’un artefact esthétique. Le but fondamental est bien de soigner l’homme.
Il y a une seule civilisation importante qui n’a pas véritablement utilisé le jardin pour la santé, c’est la civilisation japonaise. Le jardin existe dans un projet qui met en avant la spiritualité. On le voit dans les jardins de Kyoto ou de Tokyo. On ne trouve dans ces jardins que très peu de plantes utilisées pour le bien-être ou la santé de l’homme. Le jardin japonais est plus approprié pour la méditation psychique. On l’oublie trop souvent, mais les jardins du Japon sont attachés à des monastères.
Toutes les approches de jardiniers du XIXe et du XXe siècles qui ont été utilisées dans les jardins d’Europe sont liées à un point de vue esthétique. Pour les panaris, on savait néanmoins qu’il fallait faire un cataplasme avec la mauve à cause de ses effets anti-inflammatoires. Aujourd’hui, ce savoir est malheureusement oublié. Les remèdes qui étaient alors connus n’ont pas été maintenus. Car faire survivre ce savoir est trop compliqué. Les jeunes générations vont plus facilement chez le pharmacien. Petit à petit, ce savoir s’est perdu et le jardin n’est plus aujourd’hui associé au mot santé. Dans les années 70-80, ce sujet est cependant revenu à la mode.
Les Américains sont les premiers à l’avoir fait. Leurs hôpitaux sont aujourd’hui, dans ce domaine, à la pointe. Plus récemment, on a aussi vu des projets australiens voir le jour. Se créèrent, dans ces deux pays, des jardins thérapeutiques destinés à mieux renforcer la santé. Durant la seule année 2009, on a dépensé aux États-Unis 30 000 millions de dirhams pour créer des jardins dans les hôpitaux. Ainsi à Los Angeles, il existe un très beau jardin créé pour les enfants autistes. Au Texas, un jardin a été ouvert en 2007 pour les adultes atteints de la maladie d’Alzheimer. Le Memorial Hospital de Chicago possède des jardins adaptés à chacune des formes de pathologies. Les États-Unis s’intéressent donc à ce sujet de cette manière. On commence à se dire, en France, que les hôpitaux ont été tous bâtis, il y a quelques dizaines d’années, sur le même modèle avec des voies rapides pour aller très vite au service des urgences puis, s’il reste de la place, on a pensé à mettre un peu de gazon ou parfois des œillets nains ou d’autres plantes. Les concepteurs ce type d’établissement pensent désormais qu’il faut des espaces où les patients pourront aller se reposer ou se promener.
On considère ainsi que les plantes peuvent aider à maintenir ou à améliorer la santé à tel point que le marketing s’est emparé de ce thème de la santé par les plantes. On a tous vu de la publicité pour tel produit comportant de la vanille de Madagascar censé améliorer la qualité de vie, en particulier la tonicité des corps. Si l’argent s’y mêle, on pourra peut être retrouver ces savoirs que nos arrière-grands-parents avaient en matière de jardins et de plantes médicinales.
Cela correspond aussi à une demande nouvelle apparue durant la période des années 1980-1990. De nombreuses personnes se sont alors montrées très préoccupées par ces questions et ont manifesté un besoin de retour à la nature. Le jardin, en France, est désormais le deuxième passe-temps favori des Français. Il y a aussi l’engouement pour toute une série de produits naturels dans les supermarchés. On connaît le slogan : «C’est naturel, donc c’est bon pour la santé», même si c’est là un argument purement économique. Il y a là une évolution avec ce thème du retour à la nature. Le jardin devient un argument commercial.
On peut tous être, un jour, en mauvaise santé. On aura forcément envie d’aller dans l’hôpital qui aura le cadre de vie le plus intéressant à nos yeux. On sait, en effet, qu’on va pouvoir guérir plus vite ou qu’on y aura une meilleure prédisposition pour une guérison rapide.
Depuis que le monde connaît les jardins, on a évolué. On est parti d’une définition du jardin qui était proche de la santé. Aujourd’hui, c’est la santé qui redevient un thème proche de celui des jardins. On est donc en présence d’une sorte de petite inversion. En tout cas, les deux mots n’ont jamais été très éloignés l’un de l’autre si ce n’est au début du XXe siècle.
Dans certains pays quand des malades s’adonnent au jardinage, les médecins constatent une nette amélioration de l’état de santé de leurs patients et ce grâce à cette activité.
Aujourd’hui plusieurs disciplines scientifiques et médicales collaborent avec des botanistes et des paysagistes pour que les jardins des hôpitaux contribuent d’avantage à l’amélioration des soins et créent un cadre propice à l’épanouissement des patients et du personnel médical.
Au cours de cette table ronde, des spécialistes du jardin, des plantes et du bien-être du Maroc et de France ont été échangéleurs expériences sur le thème « jardin et santé ».
Dr. Khadija Belakziz
Association Maghrebio - santé-environnement.
A son retour à Marrakech en 1998, Khadija Belakziz fut convaincue que l’associatif est l’une des meilleures façons de participer à l’édification du Maroc moderne. Khadija Belakziz s’est à nouveau lancée dans l’action avec son association «MaghreBio». Outre des actions de sensibilisation et de formation, l’association a initié un projet pilote «JASMINE». Il s’agit d’un projet pédagogique sous forme d’un jardin au sein de l’école Ibn Abi Sofra à Marrakech. L’objectif est de fournir aux élèves des légumes et des produits selon un procédé bio-agricole.
Dr. Khadija Belakziz : Le jardin est cet espace harmonieux que la nature nous offre pour vivre, nous nourrir et nous soigner. Nous sommes tous sensibles aux beautés et à la générosité de la nature qui nous entoure. Pour nous, musulmans, le paradis est un jardin ! Voici une parole de notre prophète SWS : « si l’Heure (du jugement dernier) sonne et que l’un d’entre vous a une bouture avec lui, s’il peut la planter avant de se lever, qu’il le fasse». Belle leçon de préservation de l’environnement.
La santé de l’homme dépend de la façon avec laquelle il bouge et se maintient, de la façon avec laquelle il respire et se nourrit, de la façon avec laquelle il ressent et pense, de la façon avec laquelle il laisse circuler l’énergie. Qu’apporte le jardin à cet égard ? Il permet, tout d’abord de bouger par le jardinage, le sport, la promenade et les jeux... Cela permet de respirer de l’air frais, de l’oxygène, de l’air pur. Dans un jardin, il y a 250 bactéries par m2 au lieu de 40 000 à 1 million dans un grand magasin et 5 000 à 75 000 dans une rue centrale ! Grâce au jardin, on peut conserver la masse musculaire, lutter contre l’obésité, réduire les risques du diabète ou des accidents cardiovasculaires et vaincre l’ostéoporose.
Le jardin permet ensuite de respirer et de se nourrir. Le ratio d’espace vert par habitant est de 10 m2 par habitant. A Marrakech, on aurait 11 m2 (350 ha + 10 000 ha de la palmeraie + 500 ha de l’oliveraie de l’Agdal et 80 ha pour la Ménara). A Casablanca, on ne dispose que de 1 m2 par habitant. Vivre à moins d’un km d’un espace vert est bénéfique pour les maladies respiratoires : asthme, bronchites, allergies, selon une étude épidémiologique de 2009.
La santé peut aussi être présente au jardin dans ce qu’on peut obtenir en cueillant légumes et fruits. Les légumes, les salades et les fruits sont, en effet, gorgés de vitamines, de sels minéraux et d’oligo-éléments. En cas de pathologies, tout un ensemble de plantes médicinales et aromatiques est disponible. Mais le jardin permet aussi de ressentir et de penser. A ce titre, il peut agir sur la santé mentale de manière sensible selon une étude épidémiologique de 2009 qui montre que les troubles anxieux sont diminués d’un tiers et la dépression d’un cinquième.
L’association «jardins et santé» octroie une aide financière pour la création de jardins «destinés à améliorer la vie des patients atteints d’affections cérébrales et de leur famille» et donne des bourses pour la recherche médicale autour du cerveau et de ses affections. Car le jardin, lieu social, réconcilie culture et nature, action et contemplation, aidant en particulier les patients atteints d’affections cérébrales à être mieux dans leur corps, dans leur tête et dans la vie.
Certains croient que, selon leurs essences, les arbres suggèrent un état d’âme : un bouquet d’arbres tourmentés aux branches pendantes mènerait aux pensées mélancoliques, un groupe d’arbres robustes inviterait à la réflexion, des arbres fruitiers et à feuillage clair seraient chargés d’allégresse et un jardin sans verdure, composé seulement de pierres et de sable, comme à Kyoto, induirait la méditation. On peut donner l’exemple du temple Ryoan-Ji à Kyoto au Japon, connu surtout pour son célèbre jardin sec de gravillons ratissés par un moine bouddhiste de la même façon depuis 500 ans, tous les matins à l’aube... S’y manifeste la pensée zen à l’état pur à la fois humide et planté de mousse et possédant aussi un jardin sec de cailloux où l’on trouve quelques marches pour s’asseoir et méditer. On peut y sentir la circulation d’énergie, se relier à la nature et à l’univers, réduire le stress, développer le calme et la sérénité, méditer et vivre au rythme des saisons, éveiller les sens par les images, les couleurs, les saveurs, les odeurs et les mélodies qu’offre ce jardin.
Pour résumer, le jardin crée en nous une harmonie et nous maintient en santé ou nous aide à la rétablir ou à l’améliorer. Encore faut-il que nous veillons à sa santé! En effet, si l’on constate ce que nous faisons subir à ses éléments (air, eau, sol, lumière et température), nous pouvons nous demander ce que pourrait être un bon usage du jardin. Quelle est la solution ?
Nous pensons que l’adoption d’une agriculture selon le mode biologique pourra protéger la santé contre les effets de l’environnement. Les animaux d’élevage bio peuvent se comporter naturellement dans un cadre protégé où ils jouissent de l’espace et ont une nourriture saine. Pour cela, des auditeurs font le suivi et le contrôle de l’agriculture bio. L’agriculture bio nous donne une nutrition bio qui a une conséquence directe sur notre santé : «que ton aliment soit ton médicament !» avait déjà conseillé Hippocrate.
Pourquoi consommer des produits bio ? On doit le faire pour protéger sa santé en contrôlant leur qualité, leur composition et leur goût, pour se prémunir contre les maladies. On diminue ainsi les résidus de pesticides dans notre corps (dans le sang ou dans le corps du fœtus). Cela se fait à travers notre alimentation, les usages domestiques, urbains, etc. Le bilan de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes reconnaît la présence de résidus dans tous les aliments (fruits, légumes, céréales, poisson, eau, jus...). Une pomme reçoit 27 traitements de pesticides en moyenne. On nous conseille donc de l’éplucher, mais nous perdons les nutriments qui se concentrent dans la peau ! Les tomates d’Espagne contiennent des résidus dans 81 % des cas, et 7 % dépassent les limites maximales (LMR) autorisées. 70 % des fruits contiennent des résidus (contre 65 % en 2006) et 8,5 % dépassent les limites.
Manger bio permet de manger moins, mais nettement mieux en terme d’apports en vitamines, sels minéraux, oligo-éléments, fibres, sucres...et, en prime, on a un meilleur apport gustatif. Cela permet aussi de manger et de valoriser les produits de saison et du terroir bien plus bénéfiques pour la santé et de moindre coût. Car les produits fabriqués hors saison ont perdu leurs nutriments et ont coûté cher en frais. On peut ainsi faire des économies en réduisant ce qui est cher et mauvais pour la santé. On évite, en particulier, la viande issue d’animaux mal nourris et stressés. Le fait de réduire l’élevage du bétail a des conséquences pour l’écologie. On observe la diminution de méthane rejeté dans l’air (600 litres par jour et par vache), la réduction de la consommation d’eau utilisée pour abreuver le bétail, la réduction du rejet d’azote dans les rivières, enfin la réduction de la culture des plantes et céréales destinées à l’alimentation de bétail.
Pour savoir quels sont les bons soins destinés à un jardin, on peut consulter les conseils donnés par Perelandra, un centre de recherche sur la nature en Virginie qui date de 1975, lorsqu’il fut créé par Machaelle Small Wright. Ce jardin est un laboratoire vivant. On peut y découvrir et appliquer les principes et les dynamiques de co-création entre l’homme et les intelligences de la nature, ceci désignant tous les «habitants» du jardin, animaux, minéraux et végétaux. Selon le créateur de ce jardin, tous sont amis et œuvrent ensemble à une harmonie vitalisante qui maintient tout le jardin en bonne santé. En 1984, on y a créé des élixirs de rose et plus tard d’autres élixirs ont vu le jour. Ces élixirs sont censés équilibrer et soutenir la personne dans sa globalité et faire agir les mécanismes qui se mettent en place durant des transformations ou une évolution dans notre vie.
Ainsi l’élixir «peace» (jaune ourlé de rose), ouvre au courage, à l’élan de l’âme dans la dynamique universelle, l’éclipse (doré) aide l’acceptation, développe l’intuition, élargit notre compréhension de la transformation et de la croissance intérieure. Le cauliflower (chou-fleur) serait l’élixir de bien-naître. Il suffirait de quelques gouttes données à la mère au moment de la naissance pour éveiller dans l’enfant le climat intérieur pour faire face à l’aventure qui l’attend. Le « corn « (maïs), élixir tiré de la fleur de maïs, stabilise la fusion de l’âme et du corps pendant des périodes d’expansion spirituelle ou universelle, la «tomate» (fleur de tomate) ferait voler «en éclat» ce qui cause l’infection et cela prévient donc également l’infection.
Par ailleurs, on aurait aussi les élixirs floraux du Dr Edward Bach. Ce sont 38 élixirs à base de fleurs d’arbres et de fleurs sauvages en dehors de «rock water» (l’eau de roche) et chacun d’entre eux correspond à une émotion et à un état d’esprit particulier. En adoptant une attitude positive, on stimulerait les capacités auto-curatives que chacun possède en soi. «Pour être en bonne santé, il faut être en harmonie avec son âme» disait Bach. Citons quelques exemples, celui de la «clématis» (clématite) qui incite à la rêverie, au manque d’intérêt pour le présent, le «crab apple» (pomme sauvage) qui traite la culpabilité ou le sentiment d’impureté, la verveine destinée à l’enthousiasme excessif.
L’homéopathie est une médecine découverte par Hahnemann au XVIIIe siècle. Elle utilise 3500 substances végétales, animales, minérales ou chimiques. Elle considère l’individu dans sa particularité et soigne par ce qui est semblable à la maladie avec des doses infinitésimales.
En conclusion, on peut rappeler cette phrase de Saint-Exupéry : «La terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfants». Soyons donc des éco-consommateurs, des «consom-acteurs» et cela pour la santé de l’homme et de la terre. Qu’on se souvienne de la parole du prophète, SWS, : «chaque fois qu’un musulman plante un arbre ou sème une graine, il aura à son actif comme aumône tout ce qui aura été mangé du produit de cette plante par un oiseau, un homme ou un quadrupède».
Pascale Garbe
Est architecte de jardins depuis 1998, chef de projet de la politique des Jardins au Conseil Général de la Moselle. Il possède une grande expérience internationale en Australie, en Grande-Bretagne ou encore en Asie du sud-est au côté des plus grands spécialistes de jardins comme Graham Stuart Thomas, Made Wijaya, James Van Sweden ou encore Sir Roy Strong. Tous les deux ans, il organise pour le compte du département de la Moselle un colloque international sur le thème de «Jardins & Tourisme» qui a réuni les plus grands experts mondiaux du sujet. Pascal Garbe collabore régulièrement à la presse spécialisée dans le domaine des jardins. Il est l’auteur d’une dizaine de livres sur les plantes et les jardins et notamment d’un ouvrage paru aux éditions Ulmer sur l’eau dans les jardins.
Pascale Garbe : Je suis étonné du dynamisme qui existe à Marrakech en matière de jardins. Nous sommes ici au cœur d’un des plus beaux jardins de Marrakech. La plupart des plantes qu’on y trouve, oliviers ou palmiers, ont été utilisées pour la santé. Je suis sûr que le travail fait ici à Marrakech portera ses fruits dans les années à venir. Ce festival n’en est qu’à la quatrième édition. On peut l’applaudir car son travail est fantastique.
Lorsqu’on m’a demandé d’intervenir à cette table ronde, j’ai constaté que l’on pouvait aborder le sujet des rapports entre jardin et santé sur plusieurs plans, qu’il s’agisse de la santé au quotidien ou de la thérapie par les plantes. J’ai essayé d’introduire le débat d’un point de vie historique. J’ai l’impression qu’on trouve à peu près partout un lien entre jardin et santé. Dans toutes les civilisations, les jardins ont été faits pour la santé et le bien-être de l’être humain. Les jardins de Babylone en sont un exemple. On y cultivait, en effet, des plantes utilisées pour le bien-être de l’homme. Les jardins chinois, outre la représentation miniature du paysage, étaient un jardin où l’on trouvait des plantes utilisées au quotidien pour le bien de l’homme.
En France, le premier acte écrit qui mentionne un jardin est un écrit du temps de Charlemagne. Il s’agit d’un inventaire de toutes les plantes utiles pour soigner l’homme. Ensuite, on sait que ce jardin médiéval fut organisé en forme de carrés. Mais il ne s’agit là que d’un artefact esthétique. Le but fondamental est bien de soigner l’homme.
Il y a une seule civilisation importante qui n’a pas véritablement utilisé le jardin pour la santé, c’est la civilisation japonaise. Le jardin existe dans un projet qui met en avant la spiritualité. On le voit dans les jardins de Kyoto ou de Tokyo. On ne trouve dans ces jardins que très peu de plantes utilisées pour le bien-être ou la santé de l’homme. Le jardin japonais est plus approprié pour la méditation psychique. On l’oublie trop souvent, mais les jardins du Japon sont attachés à des monastères.
Toutes les approches de jardiniers du XIXe et du XXe siècles qui ont été utilisées dans les jardins d’Europe sont liées à un point de vue esthétique. Pour les panaris, on savait néanmoins qu’il fallait faire un cataplasme avec la mauve à cause de ses effets anti-inflammatoires. Aujourd’hui, ce savoir est malheureusement oublié. Les remèdes qui étaient alors connus n’ont pas été maintenus. Car faire survivre ce savoir est trop compliqué. Les jeunes générations vont plus facilement chez le pharmacien. Petit à petit, ce savoir s’est perdu et le jardin n’est plus aujourd’hui associé au mot santé. Dans les années 70-80, ce sujet est cependant revenu à la mode.
Les Américains sont les premiers à l’avoir fait. Leurs hôpitaux sont aujourd’hui, dans ce domaine, à la pointe. Plus récemment, on a aussi vu des projets australiens voir le jour. Se créèrent, dans ces deux pays, des jardins thérapeutiques destinés à mieux renforcer la santé. Durant la seule année 2009, on a dépensé aux États-Unis 30 000 millions de dirhams pour créer des jardins dans les hôpitaux. Ainsi à Los Angeles, il existe un très beau jardin créé pour les enfants autistes. Au Texas, un jardin a été ouvert en 2007 pour les adultes atteints de la maladie d’Alzheimer. Le Memorial Hospital de Chicago possède des jardins adaptés à chacune des formes de pathologies. Les États-Unis s’intéressent donc à ce sujet de cette manière. On commence à se dire, en France, que les hôpitaux ont été tous bâtis, il y a quelques dizaines d’années, sur le même modèle avec des voies rapides pour aller très vite au service des urgences puis, s’il reste de la place, on a pensé à mettre un peu de gazon ou parfois des œillets nains ou d’autres plantes. Les concepteurs ce type d’établissement pensent désormais qu’il faut des espaces où les patients pourront aller se reposer ou se promener.
On considère ainsi que les plantes peuvent aider à maintenir ou à améliorer la santé à tel point que le marketing s’est emparé de ce thème de la santé par les plantes. On a tous vu de la publicité pour tel produit comportant de la vanille de Madagascar censé améliorer la qualité de vie, en particulier la tonicité des corps. Si l’argent s’y mêle, on pourra peut être retrouver ces savoirs que nos arrière-grands-parents avaient en matière de jardins et de plantes médicinales.
Cela correspond aussi à une demande nouvelle apparue durant la période des années 1980-1990. De nombreuses personnes se sont alors montrées très préoccupées par ces questions et ont manifesté un besoin de retour à la nature. Le jardin, en France, est désormais le deuxième passe-temps favori des Français. Il y a aussi l’engouement pour toute une série de produits naturels dans les supermarchés. On connaît le slogan : «C’est naturel, donc c’est bon pour la santé», même si c’est là un argument purement économique. Il y a là une évolution avec ce thème du retour à la nature. Le jardin devient un argument commercial.
On peut tous être, un jour, en mauvaise santé. On aura forcément envie d’aller dans l’hôpital qui aura le cadre de vie le plus intéressant à nos yeux. On sait, en effet, qu’on va pouvoir guérir plus vite ou qu’on y aura une meilleure prédisposition pour une guérison rapide.
Depuis que le monde connaît les jardins, on a évolué. On est parti d’une définition du jardin qui était proche de la santé. Aujourd’hui, c’est la santé qui redevient un thème proche de celui des jardins. On est donc en présence d’une sorte de petite inversion. En tout cas, les deux mots n’ont jamais été très éloignés l’un de l’autre si ce n’est au début du XXe siècle.